Vacciner les gens ou vacciner les chiens?

Thumbnail
Patients mordus par un animal faisant la queue pour la vaccination à l'hôpital provincial de Tarlac City, Philippines.Photo:GARC

Le résultat d'une nouvelle étude menée par GARC a été publié dans PLoS ONE, ce travail a quantifié les bénéfices et les limitates de se reposer sur l'utilisation de vaccins humains pour prévenir les morts dues à la rage transmise par les chiens. Ces nouveaux résultats sont très importants pour les pays où la rage est endémique et qui espèrent atteindre l'objectif mondial d'aucune mort humaine due à la rage en 2030.

Dans cette nouvelle étude, des membres du bureau des Philippines de GARC ont interviewé des membres des communautés, des patients de centres de traitement des morsures ainsi que des agents des administrations locale et nationale qui assurent la distribution des vaccins antirabiques aux personnes mordues par un chien suspect de rage dans le cadre du programme de vaccination antirabique. Cette approche globale a permis de dresser le premier tableau de l'approvisionnement en vaccins antirabiques à usage humain aux Philippines, vu à la fois par des agents du service de santé et par les patients.

Lorsqu'une personne est mordue par un animal dans des pays comme les Philippines, il existe une crainte très réelle qu'elle développe la rage et qu'elle en meure. Une fois les symptômes apparus, il n'y a aucun traitement à la rage et le malade ressent une terrible anxiété et des signes nerveux angoissants jusqu'à ce qu'il sombre dans le comas et qu'il meure.

Il existe heureusement un excellent vaccin qui évitera le développement de la rage et l'apparition de ces symptômes, même s'il est administré après la morsure d'un animal enragé. C'est ce qui rend l'approvisionnement en ce vaccin critique pour plus de 100 pays où la rage canine n'est pas contrôlée dans le monde.

Les Philippines ont longtemps un excellent exemple de pays au système de santé capable de mettre à disposition le vaccin antirabique dans tout le pays, malgré la difficulté de la tâche avec plus de 2000 îles habitées. Elles ont été parmi les premiers pays au monde à adopter une technique de vaccination par voie intradermique qui diminue le coût de la vaccination en nécessitant nettement moins de vaccin que la méthode traditionnelle.

L'étude montre le développement du réseau national qui compte maintenant plus de 500 centres de traitement des morsures. Ces cliniques vaccinent gratuitement les patients qui ont été mordus par un animal, elles constituent un des programmes de vaccination contre la rage parmi les plus accessibles au monde.

Dans les villages étudiés, plus de 80% des foyers savent où se trouve le centre de traitement le plus proche, ce qui montre la grande efficacité du programme de sensibilisation. Cependant, selon les endroits, l'étude a révélé que 4.2 à 6.7% de la population sont mordus par des chiens tous les ans. La demande de vaccin dans le pays a rapidement augmenté au fur et à mesure qu'il devenait accessible. Le gouvernement philippin a vacciné plus de 1 000 000 personnes en 2016 pour prévenir la rage, ce qui représente un coût estimé de plus de 37 600 000 US$, et des ruptures d'approvisionnement ont été rapportées.

Malgré ce programme de vaccination massive, 260 cas de rage humaine ont été enregistrés en 2016. L'explication en est que malgré la grande disponibilité connue du vaccin et bien que les frais pour aller se faire traiter ne soient en général pas prohibitifs, seulement 45% des personnes mordues vont consulter une structure médicale. À la place, les guérisseurs traditionnels sont encore souvent consultés pour traiter des morsures dans 2 des 3 sites du projet.

Le programme est économiquement très efficace, mais il n'est pas parfait et les coûts semblent continuer à augmenter fortement au cours du temps, à moins d'un changement spectaculaire. Que pourrait-on faire?

Les chiens mordent pour différentes raisons. Un simple suivi des patients interrogés dans les cliniques a montré que plus de 85% de ceux qui ont été vaccinés n'étaient en fait pas exposés à la rage. Le problème est que les moyens fiables de reconnaître les personnes mordues réellement à risque d'être contaminées ne font pas partie des protocoles de traitement. Le travail pour diminuer l'utilisation inutile de la prophylaxie post-exposition commence tout juste, il sera essentiel pour continuer à assurer la fourniture de vaccin humain dans de nombreux pays.

Mais le véritable impératif est d'accroître fortement l'utilisation des vaccins antirabiques pour les chiens afin d'éliminer le virus dans la population canine et, en conséquence, de mettre fin à cette menace de santé publique. Le choix des méthodes alternatives pour contrôler la rage a été un dilemme pour les pays pendant des décennies. Alors que de l'argent, souvent en grande quantité, est dépensé pour les vaccins humains, il est souvent difficile pour les gouvernements de trouver des crédits supplémentaires pour vacciner les chiens. La vaccination des chiens peut aussi être un enjeu considérable, en particulier lorsqu'il y a de grandes populations de chiens divagants qui ne vivent pas longtemps.

Cependant, dans le but d'éliminer les morts de rage chez l'homme dans le monde en 2030 et afin de se rendre capable d'atteindre ce but, il est temps de relever le défi et d'entreprendre ce que nous savons permettre d'en finir avec cette terrible maladie pour toujours. Une population de chiens bien soignés et vaccinés protègera toute la communauté.

Contribution de Louise Taylor. L'étude a été publiée en juillet 2018 dans 2 articles du journal PLoS ONE, accessibles ici and ici. L'Alliance globale contre la rage (USA) a reçu des fonds de GlaxoSmithKline Biologicals SA (Belgique) pour entreprendre cette étude.

Traduit par Jacques Barrat, ANSES-Laboratoire de la rage et de la faune sauvage de Nancy, France